Situation au Mali, Rapport du Secrétaire général
I. Introduction
- Par sa résolution 2480 (2019), le Conseil de sécurité a prorogé jusqu’au 30 juin 2020 le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et m’a prié de lui faire rapport tous les trois mois sur son exécution. Dans le présent rapport, l’accent est mis sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et dans l’élaboration et l’exécution d’une stratégie globale axée sur les aspects politiques et visant à rétablir la présence et l’autorité de l’État ainsi que les services sociaux de base dans le centre du Mali, à protéger les civils et à réduire les violences intercommunautaires, et dans les progrès accomplis par la MINUSMA pour faciliter la réalisation de ces objectifs. Il fait également le point sur la coordination entre la MINUSMA, les Forces de défense et de sécurité maliennes, la Force conjointe du Groupe de cinq pays du Sahel, les forces françaises et les missions de l’Union européenne au Mali. Il rend compte des principaux faits nouveaux survenus au Mali depuis mon dernier rapport (S/2019/454) daté du 31 mai 2019.
Évolution politique
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En matière de politique, les faits nouveaux concernent principalement l es préparatifs d’un dialogue national ouvert à tous après la signature, le 2 mai, de l’accord entre le Gouvernement et plusieurs partis d’opposition. Le dialogue, qui devait au départ comporter des consultations des parties prenantes sur la révision de la Constitution, a progressivement englobé les réformes politiques et institutionnelles majeures présentées dans l’Accord. Les consultations sur le mandat du dialogue, sa durée et les participants se sont poursuivies au sein des partis politiques et de la société civile et entre eux.
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Le 25 juin, le Président du Mali, Ibrahim Boubacar Keita, a nommé trois facilitateurs pour diriger l’organisation et la tenue du dialogue : le Médiateur de la République, Baba Akhib Haïdara, l’ancien Premier Ministre, Ousmane Issoufi Maïga, et l’activiste politique et ancienne Ministre du Gouvernement, Aminata Dramane Traoré. Afin d’assurer le caractère participatif du processus, les facilitateurs ont consulté un large éventail de parties prenantes, notamment d’anciens chefs d’État, d’anciens premiers ministres, des partis politiques, des représentants de la société civile, des associations culturelles, des associations de femmes et de jeunes, des syndicats, des groupes armés signataires ainsi que des représentants du secteur privé et les médias.
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Certains partis d’opposition, dont la coalition Front pour la sauvegarde de la démocratie dirigée par le Chef de l’opposition Soumaïla Cissé, ont exprimé des réserves quant au choix des facilitateurs, tandis que d’autres ont annoncé qu’ils ne participeraient pas au dialogue national inclusif. Le 27 juillet, un nouveau groupe réunissant des membres de la société civile et des groupements politiques, Awn Ko Mali, a critiqué l’absence d’ouverture, certains demandant une plus grande participation des représentants au niveau local.
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La coalition majoritaire au pouvoir, Ensemble pour le Mali, a appelé à un large appui et à une large participation au dialogue, bien qu’au cours de la période considérée 10 partis politiques aient quitté la coalition en raison de désaccords concernant le dialogue. Le 6 juin, ces partis ont formé leur propre alliance, l’Action républicaine pour le progrès. La Coalition des candidats 2018 pour le Mali, composée de cinq anciens candidats à la présidence qui avaient soutenu le Président au second tour des élections de 2018, a également suspendu sa participation à l’Ensemble pour le Mali le 19 juin, accusant l’Ensemble de ne pas traiter les questions urgentes. Les deux groupes politiques ont toutefois confirmé leur volonté de participer au dialogue national inclusif.
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Mon Représentant spécial a continué de travailler en étroite collaboration avec toutes les parties concernées et d’user de ses bons offices pour régler les différends entre les acteurs politiques et promouvoir leur participation active au dialogue, tout en encourageant la participation des femmes et des organisations de jeunes. Lors d’une réunion avec des femmes dirigeantes le 14 juin, le Premier Ministre malien,
Boubou Cisse, a réaffirmé que les femmes joueraient un rôle central dans le dialogue.
Il a officiellement lancé le dialogue national inclusif le 16 septembre à Bamako, après validation de son mandat et de son règlement intérieur. Le dialogue comprendra des débats portant sur l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, les réformes institutionnelles et politiques, la Loi d’entente nationale, le rôle des autorités traditionnelles et religieuses, les syndicats et les organisations non gouvernementales, ainsi que sur des questions de gouvernance et de développement et le nouveau calendrier électoral. -
Outre les préparatifs du dialogue national sans exclusive, le Gouvernement a redoublé d’efforts pour prévenir l’intensification de la violence intercommunautaire et rétablir l’autorité de l’État et les services sociaux de base afin de faire face à la crise dans le centre du Mali. Le 19 juin, le Premier Ministre a pris un décret portant création du Cadre politique de gestion de la crise au centre du Mali, dont l’objectif est d’assurer la coordination stratégique et politique des mesures d’apaisement. À cet égard, le 20 juin, le Président a nommé l’ancien Président du Mali, Dioncounda Traoré, au poste de Haut-Représentant pour le Centre.
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Du 3 au 7 juillet, le Premier Ministre s’est rendu dans les cercles de Bankass,
Bandiagara, Douentza et Koro, dans la région de Mopti, où il a lancé la fourniture d’une aide alimentaire d’urgence, encouragé et facilité le dialogue intercommunautaire sans exclusive et annoncé le déploiement de troupes et de gendarmes supplémentaires dans la région, portant à 3 000 le nombre total des forces de défense et de sécurité nationales qui y sont déployées. Du 1er au 5 août, le Premier Ministre est retourné au centre du Mali et s’est rendu dans le cercle de Macina, dans la région de Ségou, pour présider la cérémonie de signature d’un accord de cessation des hostilités entre des représentants des dozos (chasseurs traditionnels) et des groupes d’autodéfense peuls. -
Le 27 juin, l’Assemblée nationale a voté une deuxième prorogation du mandat des députés, du 30 juin 2019 au 2 mai 2020, en raison de retards dans le processus de révision constitutionnelle et dans l’organisation des élections législatives. Si la Cour constitutionnelle a confirmé la constitutionnalité de la prorogation le 3 juillet, certains membres de l’opposition politique l’ont dénoncée comme inconstitutionnelle.
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Pour la première fois depuis la crise de 2012, des délégations parlementaires ont effectué des visites officielles dans le centre et le nord du Mali, avec l’appui de la MINUSMA, pour évaluer l’adhésion au processus de paix. Du 9 au 17 juillet, des délégations composées de députés de la majorité au pouvoir et de partis d ’opposition se sont rendues à Gao, Kidal, Mopti, Taoudenni et Tombouctou. Elles se sont entretenues avec les autorités locales, des groupes armés signataires et des membres de la société civile.
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Lors de la visite des députés à Kidal, le 16 juillet, le Secrétaire général du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad, Alghabass Ag Intalla, avait prévu une cérémonie de levée du drapeau au camp du Mécanisme opérationnel de coordination de Kidal.
L’initiative n’a pas été bien accueillie par les partisans du Mouvement national de libération de l’Azawad, qui ont continué d’exprimer leurs divergences sur le statut de Kidal. La cérémonie a donc été annulée et, le 17 juillet, des manifestants ont détruit les symboles de l’État malien du gouvernorat et brûlé le drapeau malien, accusant les dirigeants de la Coordination des mouvements de l’Azawad d’avoir décidé unilatéralement de cette cérémonie sans consulter la population. -
Le 17 juillet également, toutes les parties signataires ont publié des communiqués condamnant les actes des manifestants et réaffirmé leur engagement en faveur du processus de paix. Le 18 juillet, l’équipe de médiation internationale a également publié un communiqué dénonçant les actes des manifestants comme une attaque grave contre l’unité du Mali et rappelé à la Coordination des mouvements de l’Azawad qu’elle devait retourner les symboles de l’État à Kidal. Le Gouvernement a prévenu les auteurs de ces actes qu’ils pourraient faire l’objet de sanctions.
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Une crise de leadership au sein de la Plateforme entre les factions opposées de Gao et de Tombouctou a continué de s’intensifier. Les deux factions ont cherché des allégeances stratégiques avec d’autres groupes armés coopératifs et signataires, ce qui a accentué la polarisation. Afin de désamorcer les tensions, mon Représentant spécial et le Président du Comité de suivi de l’Accord ont maintenu un dialogue étroit avec les deux factions et les autres parties prenantes concernées.
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Le 22 juin, dans le cadre de sa première sortie publique depuis sa démission le 18 avril, l’ancien Premier Ministre Soumeylou Boubèye Maïga a présidé une réunion à Ségou, en présence d’un millier de partisans de son parti, l’Alliance pour la solidarité au Mali, et réaffirmé son soutien au Président. Le 1er août, un porte-parole de Mahmoud Dicko, chef religieux influent qui avait dirigé d’importantes manifestations contre le gouvernement de l’ancien Premier Ministre plus tôt en 2019, a lancé la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko, dans le but déclaré de rassembler toutes les associations de jeunes musulmans autour des principes et valeurs de l’Islam.