Interview exclusive avec Madame Mbaranga Gasarabwe
L’épidémie de COVID-19 a considérablement impacté le travail des Nations Unies au Mali. Cependant, la gestion de la riposte de COVID-19...
L’épidémie de COVID-19 a considérablement impacté le travail des Nations Unies au Mali. Cependant, la gestion de la riposte COVID-19, en soutien à la mise en œuvre du Plan de Riposte des autorités maliennes, donne lier à une belle collaboration entre le pays et l’équipe intégrée des Nations Unies au Mali. Pour en savoir plus sur ce partenariat fécond, nous nous sommes entretenus avec Madame Mbaranga Gasarabwe, Représentante Adjointe du Secrétaire Général pour la MINUSMA, Coordonnatrice Humanitaire et Coordonnatrice Résidente du Système des Nations Unies au Mali.
- Comment s’est gérée l’arrivée de COVID-19 au Mali avec le Gouvernement et à l’interne de l’équipe intégrée des Nations Unies composée des Agences, Fonds et Programmes y compris la MINUSMA ?
R : Tout d’abord, je m’incline devant la mémoire de toutes les victimes de la COVID-19 au Mali, tant les Maliens que nos collègues des Nations Unies qui ont péri à cause de cette pandémie.
Je dois dire que depuis le début de la pandémie, très tôt le Gouvernement malien a pris les choses en main lorsque l’épidémie a éclaté en Chine. Le Gouvernement malien a très vite appelé tous les médecins de la sous-région pour voir comment mettre l’accent sur la prévention. A l’époque, on ne parlait pas de prise en charge car la maladie n’était pas connue et le phénomène n’était pas encore mondial. Par la suite, une autre réunion a été convoquée par le ministère de la Santé à laquelle nous étions invités avec les partenaires pour parler de la prévention et de la prise en charge. C’était au début du mois de mars et il n’y avait pas encore de cas au Mali. Très vite, nous avons eu le plan national de lutte contre la Covid-19. Je dois saluer l’OMS, notre point-focal COVID-19, qui a pris les choses en main pour parler des standards de la maladie et de son évolution. Le leadership national nous a beaucoup aidés car nous avons su très tôt, en tant que Nations unies et partenaires, comment accompagner le Mali.
Au niveau de la prévention, nous avons regardé ce qu’il fallait comme mesures, l’organisation du système de santé et au niveau des Nations Unies les possibilités et modalités d’accompagnement du Gouvernement. Le Représentant spécial, Mahamat Saleh Annadif, est le Coordinateur de la crise COVID-19 pour les Nations Unies au Mali. Au quotidien, je le seconde dans la coordination de toutes les mesures qui doivent être décidées et mises en œuvre au niveau de la MINUSMA et du système des Nations Unies au Mali. Cela est fait avec l’appui du siège des Nations Unies à New York.
Dans notre dispositif, nous avons des réunions de coordination avec le Gouvernement pour savoir exactement comment nous sommes en train de répondre avec la grande implication de l’OMS. Au niveau interne et sous ma direction, nous avons une Task-Force et des groupes de travail qui se rencontrent chaque semaine pour faire le point de l’évolution de la pandémie et prendre des mesures appropriées pour la protection et le bien-être du personnel mais aussi pour définir les appuis à apporter au Gouvernement.
- Comment la communauté internationale à travers les Nations Unies se mobilisent autour du Mali dans le cadre de la riposte COVID-19 ?
R : Notre équipe intégrée des Nations Unies composée des Agences, Fonds et Programmes y compris la MINUSMA a joué un rôle essentiel dans la réponse efficace à l’appel de financement du Plan National de Riposte COVID-19 au Mali.
L'approche du Mali, soutenue par l'OMS et les partenaires des Nations Unies, se situe à la fois au niveau national et régional. L’équipe intégrée des Nations Unies composée des Agences, Fonds et Programmes y compris la MINUSMA, a collectivement promis 78 266 697 millions de dollars Américains en soutien au Plan de réponse d’urgence du gouvernement tout en continuant à fournir un soutien basé sur leurs mandats respectifs. Une bonne partie de cet appui a déjà été mise à la disposition du Gouvernement Malien.
Ce soutien englobe les équipements de protection personnelle, les soins médicaux, la logistique, la formation, la communication et la sensibilisation, la mobilisation des ressources dans le cadre de la mise en œuvre du Plan d'intervention d'urgence contre la pandémie de Covid-19. Récemment, à la date du 07 juillet 2020, il y a encore eu la remise au Gouvernement du Mali de 27 extracteurs d’oxygène et 15 000 tests de diagnostic du COVID, 120 thermo-flash, 250 000 masques chirurgicaux, des savons, des dispositifs de lavage des mains. La valeur totale de ces matériels et équipements s’élève à 1 315 673 USD. Une quantité importante a été distribuée dans les régions du pays suivant le plan validé par le Ministère de la Santé et des Affaires Sociales.
Tout en dirigeant toutes les questions techniques, l'OMS, notre point-focal COVID-19, apporte également son soutien dans les domaines opérationnels de l'intervention - notamment en dirigeant les achats et la chaîne d'approvisionnement avec les autres Agences, Fonds et Programmes spécialisés.
A travers l'OMS, nous veillons également à ce que les dix régions soient en mesure de réagir de manière appropriée en plaidant pour un financement intégral par le gouvernement et les autres bailleurs afin de financer le plan d'intervention de chaque région et en dotant chaque région de toutes les capacités nécessaires en matière d'équipes régionales d'intervention rapide et d'installations de dépistage et de traitement. L'accès aux régions peut constituer un défi logistique et sécuritaire et l'OMS et d'autres agences dépendent fortement de l'étroite collaboration de la MINUSMA et d'autres autorités de l'aviation pour soutenir les missions sur le terrain et la distribution des fournitures.
Nous soutenons également le gouvernement en termes de communication et de sensibilisation sur les mesures barrière pour briser la chaîne de transmission de COVID-19 à Bamako et dans les régions. Ainsi, les chefs des agences du système des Nations Unies, sous la direction du Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, chef de la MINUSMA, ont enregistré un défilé de mode virtuel pour promouvoir les masques « Made in Mali » (en tant que producteur de coton africain de premier rang) et pour soutenir les stylistes et les tailleurs locaux dont les activités sont profondément affectées par COVID-19.
Un autre volet qui est très important au-delà de l’appui financier, est un travail de réflexion sur la pandémie et sur la période post-pandémique, notamment son impact socio-économique. Nous avons mené une réflexion au sein des Nations Unies, y compris agences et MINUSMA, pour voir comment l’économie locale pourra se relever. Nous savons que l’économie informelle prend une place importante au Mali. Il est question de voir comment, avec la crise que nous connaissons, utiliser la valeur ajoutée que représentent les ressources maliennes. Par exemple, avec le coton, nous avons commandé 100 000 masques faits au Mali. Nous avons vu que la capacité de production pour tout le Mali n’est pas à la hauteur de la demande. Nous avons aussi promu le savon local pour le lavage des mains.
Malgré la faible industrialisation, nous avons essayé de faire en sorte que le Mali puisse en bénéficier. Les stylistes et couturiers maliens ont aussi été mis à contribution. Nous avons privilégié tout ce qui pouvait être produit au Mali avec des capacités maliennes. L’étude socio-économique de l’impact de la Covid-19 a été une opportunité pour révéler qu’il y a beaucoup de choses que le Mali peut faire encore avec le secteur privé. L’étude a été transmise au Premier ministre, aux bailleurs de fonds et le secteur privé pour faire du « made in Mali » une réalité. Il y a beaucoup de capacité et d’ingéniosité. Il y a des techniciens en robotiques qui ont fait des choses extraordinaires. C’est une manière d’encourager le secteur informel mais aussi les petites et moyennes entreprises.
- La MINUSMA a ouvert un centre spécialisé pour ses agents malades de Covid19. Est-ce que les maliens peuvent bénéficier de ce centre ?
R : Notre Centre sanitaire pour malades de Covid-19 mis en place sous la supervision et le leadership des spécialistes gouvernementaux, est essentiellement pour les staffs des Nations Unies. Il a été installé pour désengorger les hôpitaux maliens et pour faciliter le transit de nos staffs malades de COVID-19 avant le transfèrement des cas les plus graves dans les structures de prise en charge de l’Etat malien.
- En plus de la pandémie Covid19, le Mali traverse une période dite de « soudure », comment s’organise la riposte humanitaire ?
R : En effet, comme tous les ans, la période juin à août voire septembre correspond à la période de soudure agropastorale au Mali ; période au cours de laquelle les besoins d’assistance pour les ménages vulnérables sont les plus élevés.
Cette année, avec les impacts socio-économiques de la COVID-19, les acteurs de la sécurité alimentaire conjointement avec le gouvernement (CSA commissariat à la sécurité alimentaire) comptent assister 2,5 millions de personnes pendant la soudure. Les activités de grande distribution vont démarrer en mi-juillet. Elles ont déjà démarré pour certaines organisations comme le Programme Alimentaire Mondiale (PAM) et d’autres ONG internationales.
D’autres organisations ou programmes sont en phase de ciblage des ménages vulnérables en vue de l’assistance. Il en est de même pour le PNR (Plan National de Réponse) du CSA dont les préparatifs sont en cours.
Le cluster sécurité alimentaire assure le lien entre la planification, les réalisations des acteurs humanitaires et la réponse du CSA et d’autres programmes gouvernementaux en vue d’une meilleure coordination sur le terrain.
Le PAM vient en appui au Gouvernement pour une mise à l’échelle d’une réponse d’urgence, une assistance alimentaire et nutritionnelle pour plus d’un million de personnes entre juin et septembre de cette année. A noter que le PAM a reçu une contribution du Gouvernement avec l’appui de la Banque Mondiale pour mettre en œuvre cette réponse d’urgence dans le contexte de COVID-19.
- Vous êtes engagés également dans le domaine de développement. Quels sont vos réalisations importantes dans ce domaine au Mali ?
R : L’impact très étendu de l’insécurité et de coronavirus sur le tissu économique et social des communautés maliennes, particulièrement les plus vulnérables, risque de freiner le Mali dans ses efforts pour l’atteinte les Objectifs de Développement Durable (ODD). La pandémie pose des risques plus importants pour l’atteinte des cibles relatives aux maladies transmissibles et à l’espérance de vie (ODD 3.1 et 3.2), à l’éducation (ODD 4), au travail décent et croissance économique (ODD 8), et l’accès à l’eau potable (ODD 6). De même, le pays sera sérieusement affecté par les retombées de la rétraction de l’économie globale, aggravant le ralentissement économique du pays et ainsi le nombre des personnes (4.6 millions) en situation d’insécurité alimentaire (OCHA, décembre 2019).
A travers nos différentes agences, fonds et programmes au Mali, nous sommes engagés aux côtés des autres acteurs du développement dans la réponse immédiate à la crise, et nous accompagnons le Gouvernement et les populations maliennes pour faire face aux impacts socio-économiques plus larges de la pandémie, et pour le relèvement du pays sur le moyen et long terme.
Cela s’est fait à travers plusieurs axes d’intervention au niveau de la préparation et de la réponse à la lutte contre la COVID-19, notamment par l’appui institutionnel pour la gestion de la crise, la disponibilité des services médicaux et la fourniture des ressources nécessaires. Il y a également à la suite de ceci des réflexions et des actions sur le relèvement avec une évaluation de l’impact socio-économique de la crise COVID et la mise en œuvre d’un Plan de réponse des Nations Unies avec un important volet socio-économique dénommé « Cadre de programmation conjointe de la réponse des Nations Unies à la COVID-19 au Mali » et ayant comme objectifs de : a) Soutenir de manière conjointe et cohérente la mise en œuvre du Plan d’Action Global de riposte à la crise de la COVID -19 du Gouvernement aussi bien en matière de préparation, de prévention et de réponse au COVID 19 et b) Proposer et soutenir des mesures de mitigation et de relèvement aptes à amoindrir les impacts de la crise sur les conditions de vie des populations en général et sur celles des groupes les plus vulnérables en particulier (personnes âgées, indigents, femmes, jeunes, personnes handicapées , migrants, réfugiés etc.).
En plus de ce Cadre spécifique d’interventions contre la COVID-19, le système des Nations Unies, comprenant les agences, fonds et programmes, dispose d’un Cadre de coopération pour le développement durable (UNSDCF) avec la République du Mali pour la période 2020-2024. L’UNSDCF vise à contribuer à l’horizon 2024 à accélérer les résultats vers l’atteinte des ODD à travers trois axes stratégiques : i) la Gouvernance efficace et redevable pour une société en paix, juste et inclusive ; ii) la Croissance inclusive, résiliente, et la durabilité environnementale ; iii) les Services sociaux de base et la protection sociale inclusive.