Ménaka, un contexte humanitaire qui mérite une attention particulière
Du 25 au 26 avril, le Coordonnateur Humanitaire a conduit, à Ménaka, une mission conjointe UNICEF, PAM et ONGi (CRS et IRC).
Prendre la mesure des besoins humanitaires non couverts et renforcer les mécanismes d’une réponse synergique, rapide et efficace, tel était l’objectif de cette deuxième visite à Ménaka en l’intervalle de deux mois. Le contexte humanitaire s’est fortement dégradé à Ménaka depuis février 2023 avec l’afflux continue de personnes déplacées de Tidermene et d’Inekar vers la ville de Ménaka. On parle d’environ 78 500 personnes déjà arrivées à Ménaka centre entre mars 2022 et le premier trimestre de 2023. M. Alain Noudehou, Coordonnateur Humanitaire pour le Mali, est allé discuter sur place avec les autorités régionales de l’enregistrement biométrique des personnes déplacées internes dans la perspective d’une bonne maîtrise de la dynamique des déplacements de population. Avec la communauté humanitaire présente à Ménaka, les échanges ont porté sur défis sécuritaires qui entravent la délivrance rapide et la mise à l’échelle de l’aide.
L’eau, une priorité absolue
A Ménaka, l’accès à l’eau reste une priorité absolue. Aussi bien pour les déplacés que pour les communautés hôtes. La rareté des points d’eau, liée au contexte climatique du Sahel, rend difficile et onéreux la réalisation des forages. Les efforts de réponse EHA ont cependant permis de réaliser 35 points d’eau entre janvier et mars 2023, améliorant ainsi l’accès à l’eau à 100 000 personnes dont plus de 70 000 PDI et 14 000 réfugiés. Les ouvrages réalisés sont des forages équipés de systèmes solaires de pompage et des pompes à motricité humaine. Une dizaine de forages ont été aussi réhabilités. Cependant, au moindre choc, ces réalisations deviennent insuffisantes. Ainsi, à la mi-avril, plus de 10 000 nouveaux déplacés internes en provenance de Tidermene et installées dans les zones éloignées de sites de PDI, sont restées plusieurs semaines sans accès à l’eau. Si ces genres de situation devraient se reproduire, il sera nécessaire de continuer avec le water trucking en attendant de réaliser de nouveaux points d’eau pour couvrir les besoins. Il sera aussi impérieux de maintenir les activités de promotion de l’hygiène sur les sites, avec la distribution des produits de traitement de l'eau (Aquatab) et construire au moins 300 latrines complexes, selon le cluster EHA. En revanche, la multiplicité et la disparité spatiale des sites de déplacés rend complexe la réponse en eau, hygiène assainissement. Des évaluations récentes du cluster EHA évoquent la défécation à l’air libre dans plusieurs sites de déplacés. Ce qui expose les déplacés à des risques de maladies liées au manque d’hygiène pendant la saison pluvieuse qui pointe à l’horizon.
Ménaka, au bord d’une insécurité alimentaire et nutritionnelle grave
Ménaka est en situation d’urgence alimentaire et nutritionnelle depuis mars 2023. Le risque d’une aggravation plane si le flux de déplacés se poursuit, et si une réponse à l’échelle n’est pas envisagée très rapidement. Dans tous les sites de déplacés de Ménaka, le niveau de malnutrition a atteint des niveaux critiques, avec un taux de malnutrition aiguë sévère de 8,2%. C’est quatre fois le seuil d’alerte de 2% de l’OMS et cela nécessite une action rapide (source : enquêtes SMART-RAPIDE, cercles en phase 4 des régions de Kayes, Ségou, Mopti, Gao, Menaka et le District de Bamako) Les résultats d’analyse du Cadre Harmonisé 2023 ont révélé que la région de Ménaka est en insécurité alimentaire chronique depuis mars 2019. Les projections sur la période de soudure (juin-août 2023) projettent qu’au moins 2507 personnes pourraient basculer en situation de catastrophe alimentaire si aucune action urgente n’est prise en faveur de ces personnes. Tous les cercles de Ménaka sont en urgence nutritionnelle avec des niveaux particulièrement alarmants de malnutrition. Plus de 33 670 enfants, femmes enceintes et femmes allaitantes ont besoin en urgence d’une d’assistance nutritionnelle, dont 22 515 enfants de moins de 5 ans à risque de malnutrition aiguë (7321 MAS et 15 194 MAM). L’allocation CERF 2023 Réponse Rapide à l’insécurité alimentaire, en perspective, permettra de d’atteindre près de la moitié des personnes dans le besoin. Sur 7,7 millions de dollars américains nécessaires pour la réponse à l’insécurité alimentaire, les acteurs n’ont mobilisé que 600 000 USD, courant mai 2023. Un important déficit de financement de la réponse d’urgence reste encore à combler.
Ménaka, beaucoup de déplacés sans abris, à cause de l’insuffisance de capacités des acteurs Abris/BNA
La réunion trimestrielle du cadre régional de coordination humanitaire, tenue le 28 avril sous le lead du Gouverneur de région, a relevé l’insuffisance de capacités de réponse en NFI/ABRI. Il est également relevé que la modalité cash connaît quelques entraves dans son effectivité. En effet, certains bénéficiaires de l’assistance en cash utilisent souvent l’argent reçu à d'autres fins, rendant difficile la traçabilité de l’aide reçue. Les acteurs ont donc recommandé que la modalité l’aide d’urgence via le cash soit revue et strictement encadrée. Rappelons que la réunion du CRCH est un mécanisme de coordination humanitaire visant à garantir la redevabilité de l’action humanitaire. Une quarantaine d’acteurs prennent part au CRCH de Ménaka, dont des représentants des services techniques de l'Etat, des ONG nationales et internationales et les agences des Nations Unies (HCR, PAM, UNICEF, OCHA).
Ibrahima Koné/ Ocha Mali